Le sort de l’Art et Essai était scellé avant l’ouverture du conseil municipal de ce jeudi 7 février. La décision d’acquiescer au rachat de l’ensemble Arcades-Quai Dupleix par Cinéville, la décision de ne pas envisager de solution pour un Art et Essai confié à Gros Plan était déjà prise bien en amont. Pourquoi alors se prêter à un débat sans objet ? Il ne restait à Ludovic Jolivet qu’à mettre en scène un prétexte dans le déroulement du conseil municipal pour y échapper.
Dès le lendemain les propos du directeur général de Cinéville mettait en lumière la mascarade de la veille. Il ne s’agissait pas comme l’avait fait entendre le maire d’un simple changement de propriétaire n’affectant en rien l’activité du Quai Dupleix : l’exploitation et la programmation par Gros Plan. C’est bien d’une cession d’activité totale qu’il s’agit, excluant Gros Plan de la programmation.
Ce serait une bonne affaire pour Cinéville, le groupe récupèrerait le fruit du travail de Gros Plan : un public fidélisé, élargi au fil de nombreuses années de travail par la qualité de la programmation mais aussi les investissements dans les deux salles du Quai Dupleix : changement des fauteuils, nouvelle sonorisation, le tout sans que le conseil d’administration de la Régie cinéma soit consulté.
Cinéville aurait donc désormais le monopole des programmations cinématographiques à Quimper. Certains n’y voient pas d’inconvénient ou imaginent que l’Art et Essai version Cinéville, c’est la même chose que l’Art et Essai programmé par une association comme Gros Plan. Il y a une différence de nature : pour le premier l’Art et Essai est essentiellement un marché économiquement rentable, ce qui le conduit à minimiser dans sa programmation les films dits «fragiles» (cinéma émergent, jeunes auteurs etc qui seront le cinéma de demain). La comparaison entre le Cinéma d’Art et Essai La Garenne (5 salles), exploité par Cinéville à Vannes, et le Quai Dupleix (2 salles) le montre. Le CNC accorde aux salles de diffusion une subvention dite « Bonus films fragiles » calculé sur le rapport entre le nombre des films « fragiles » diffusés et le nombre total de films diffusés par l’établissement. Ce calcul a permis en 2017 à Quai Dupleix de recevoir 2789€, la Garenne 1486€. L’indicateur montre nettement les priorités des uns et des autres.
On ne peut le reprocher à Cinéville : il est dans sa logique. Mais la Ville doit avoir une politique culturelle qui préserve la diversité. Le plus affligeant est que l’analyse portée par le directeur général de Cinéville est celle que Gros Plan a livrée depuis longtemps à la Ville avec un dossier très argumenté : il y a un fort potentiel de développement de l’Art et Essai au Quai Dupleix. La fréquentation est en constante augmentation (presque 59 000 spectateurs en 2018). Certaines séances doivent refuser des spectateurs et l’offre en séances scolaires ne suffit pas à la demande. Des salles supplémentaires étaient indispensables pour la viabilité du modèle économique proposé par Gros Plan avec un rachat de l’ensemble des Arcades. La Ville a diligenté une étude dont les résultats fournis dès le début de l’été 2018 sont finalement restés dans les tiroirs.
Dans un autre dossier, la Ville a su réagir rapidement face aux pressions pouvant amener le départ de radio France Bleu Breizh Izel à Brest : mise à disposition d’un terrain de la ville à Creac’h Gwen, réalisation des travaux et exploitation confiée à un concessionnaire avec location des locaux à la ville et sous location par celle-ci à la radio.
Il est encore temps de construire une solution avec Gros Plan. Pour l’instant le conseil d’administration de la Régie cinéma n’a été saisi d’aucun projet de convention mettant fin au bail courant jusqu’en 2021.