L’unité ne se décrète pas, elle se construit.

La victoire de Fillon et de son programme très réactionnaire ouvre de nouvelles voies à gauche et au centre. L’analyse de son électorat avec une prédominance forte des hommes (56%),  des plus de 65 ans (39%) et des retraités (43%) précise en contraste ceux qui sont rebutés par son programme.  Encore faut-il savoir les persuader et leur proposer un projet  et un-e porteur (se) de projet crédibles.

A gauche et surtout au Parti socialiste,  les appels incantatoires à l’unité se succèdent ces dernières semaines, à chaque fois désavoués par de nouveaux propos incendiaires  ou  de nouvelles candidatures avec en point d’orgue  les attaques du premier ministre, Manuel Valls, contre son président. En son temps il avait pourtant violemment stigmatisé la « trahison » d’Emmanuel Macron.

Alors de quelle unité parle-t-on ? De celle d’un Parti socialiste qui se déchire ? De l’agrégation de partis autour d’un parti hégémonique ? De l’alliance entre partis ? D’un rassemblement de citoyens autour d’un programme ? A défaut de le définir, les appels à l’unité à gauche relèvent plutôt de la posture.   Et surtout, la plupart de ces appels ignorent le centre ; c’est une  erreur politique. On le voit déjà dans le ralliement des jeunes UDI à Emmanuel Macron.

Ce centre  a été bien malmené à droite et à gauche depuis longtemps. Victime des clichés simplistes sur le « ventre mou », le milieu, l’hésitant, il n’a pas été payé de retour par F. Hollande malgré le ralliement de F. Bayrou aux élections  de 2012 mais il n’a pas davantage été honoré par N. Sarkozy qui n’a jamais caché sa condescendance, y compris pendant la campagne des primaires de la droite.

Pourtant c’est un mouvement de centre gauche, le Front Démocrate, qui, le premier, s’est saisi de cette question du rassemblement à l’origine de sa création en 2014. Il était évident qu’aucun parti ne pouvait porter seul  la réflexion sur l’avenir de la France progressiste et  affronter la droite et les extrêmes lors des élections de 2017.  D’où le projet d’une réunion large des démocrates, progressistes et écologistes.  La forme de ce rassemblement était une maison commune, une fédération où différents partis collaboreraient à l’élaboration d’une plate-forme d’une quinzaine de propositions, socle pour affronter  les élections de 2017. Ne nous voilons pas la face : le succès n’a pas été au rendez-vous.  Si le PS, le PRG, Génération écologie, cap 21, MUC et les transfuges d’EELV sont venus aux premières réunions, très vite les logiques de partis, les ambitions personnelles ont pris le pas sur la philosophie d’origine, et la création de l’UDE qui venait rajouter un nouveau couvercle fédératif au chapeau initial a rendu le projet difficilement lisible.

Recentrés sur ses fondamentaux : le centre gauche et l’écologie pragmatique, le Front démocrate a cependant continué à jouer le jeu de l’unité, pour les régionales d’abord, mais les accords passés au niveau national avec le PS n’ont pas toujours été respectés dans les régions, comme en Bretagne,  et le PS a laissé le soin à Christophe Madrolle de mener le combat dans une région, PACA, qu’il savait perdue et où il a décrété finalement le désistement en faveur de la droite.  Le Front démocrate s’est inscrit dans la BAP, la primaire de la gauche que nombre de socialistes, par un lapsus révélateur, nomment primaire du PS. Le PRG, allié historique du PS, vient  d’annoncer la candidature de Sylvia Pinel hors primaire, vraisemblablement selon une stratégie  habituelle de rapport de force visant à obtenir des circonscriptions pour les législatives.  Peut-on lui donner tort alors que cette stratégie semble souvent plus productive qu’une inscription loyale dans un processus d’unité ?

Hier soir, sur une chaîne de télévision, Benoît Hamon, interrogé sur les alliés du PS au sein de la BAP, n’a pas pu donner le nom du Front démocrate ou de Jean-Luc Bennahmias ;   mais il a insisté sur la comparaison avec les primaires de la droite qui se sont déroulées au sein d’un seul parti.

Ici dans le Finistère, le Front démocrate n’a pas été convié par le PS aux réunions d’organisation de la primaire.

Il y a loin des invocations de l’unité à la réalité.

Alors que l’on reste suspendu à l’annonce, plus que vraisemblable,  de la candidature de François Hollande hors ou dans la primaire, il est bon de rappeler que l’unité ne se décrète pas, elle se construit. Faute de repasser par cette étape d’une plate-forme de compromis la plus largement ouverte et du respect de tous les partenaires, les français risquent bien de n’avoir au second tour le choix qu’entre l’extrême droite et la droite réactionnaire… ou de se tourner vers Emmanuel Macron dont la démarche  de construction s’apparente le plus à cet effort d’ouverture.

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